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Mourad Abdirassoul : « Il faut un protectionnisme intelligent pour nos industries locales »

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La bonne gouvernance et la transparence sont indispensables, pour un réel développement économique, selon le sénateur Mourad Abdirassoul.

Madagascar doit accroître sa production de biens et services et élargir sa classe moyenne, selon le premier questeur du Sénat, Mourad Abdirassoul. Cet économiste prône l’appui aux industries naissantes et la promotion de la production locale. Interview.

 

Midi Madagascar (MM). L’économie malgache est dominée par les importations même pour les produits alimentaires. Que pouvez-vous dire sur cette situation ?

Mourad Abdirassoul (MA). Avec les conventions internationales que nous avons signées, Madagascar est intégré dans des blocs économiques comme le COMESA, la SADC et la COI. Nous ne pouvons plus faire cavalier seul. Même si la Grande-île n’a que 23 millions d’habitants, les producteurs de biens et services ont accès à plus de 200 millions de consommateurs, sur le marché régional. Ce qu’il faut faire c’est négocier nos avantages, surtout que le libre échange engendre une baisse tendancielle des taxes aux frontières. Madagascar est un pays agricole. Avec les terres cultivables et les ressources humaines disponibles, ce pays peut effectivement être le grenier de produits agricoles pour ces différents marchés régionaux. Cependant, notre économie et notre productivité est encore faible, avec les moyens de  production archaïques. Il faut passer de l’économie agraire de subsistance à l’économie de marché et dégager du surplus économique. Pour l’heure, c’est le contraire. Nous importons du riz, ce qui n’est pas normal. Nos importations causent une hémorragie de devises, d’autant plus que ces opérations sont gérées par la mafia, avec des prix de monopole. Certes, nous devons développer l’agriculture. Le secteur privé peut le faire, mais l’Etat doit aussi jouer son rôle de facilitateur. Il faut des infrastructures de base propice au développement agricole. Le secteur privé a déjà confirmé son engagement, lors de la Conférence des bailleurs et des investisseurs à Paris, avec les 4,6 milliards USD.

M.M : Vous avez déjà évoqué le protectionnisme intelligent. Pouvez-vous apporter plus de précisions ?

M.A :  Il est vrai que nous nous sommes engagés à respecter le libre échange et à lever toute barrière tarifaire. Mais il y a d’autres manières intelligentes de protéger nos industries locales. Même les pays du G20 le font, avec des barrières non tarifaires. Il faut exiger des normes phytosanitaires pour filtrer les marchandises importées et éliminer les produits dont nous n’avons pas besoin. Cela constitue d’ailleurs une lutte contre la concurrence déloyale et l’importation sauvage. En effet, les produits importés ne doivent pas concurrencer les produits locaux, mais doivent plutôt être complémentaires avec ces derniers. L’Etat doit mettre en place des  laboratoires pour contrôler ces produits importés. Pour développer un pays, il faut des industries qui produisent des biens de substitution aux importations. Cela doit passer par le développement de l’agriculture, ensuite le développement industriel, après la partie post-agricole. Pour l’heure, nous ne sommes qu’à la première phase. Nos chaînes de valeurs sont encore très réduites. Les produits de la terre doivent être transformés, pour générer de la valeur ajoutée. Nous savons que les produits pour lesquels, ce pays est connu, sont exportés à l’état brut, si l’on ne cite que la vanille, le girofle, le litchi, le café, etc. C’est à cause de cette situation que le produit intérieur brut (PIB) par tête reste faible à Madagascar, avec 400 USD par an, contre 10.000USD pour l’île Maurice. En outre, le Code des investissements doit être réactualisé. Les dirigeants doivent identifier les produits exportés à l’état brut et promouvoir la transformation de ces produits, par l’appui aux industries naissantes. Il faut préparer la base du développement industriel, en finançant les recherches appliquées. La réussite de cet objectif va élargir la classe moyenne, qui constitue les vrais consommateurs, et conduira donc, à une croissance continue.

M.M : La dominance du secteur informel permettra-t-elle une telle réussite ?

M.A   : En effet, nos dirigeants doivent sortir du sentier battu. Cela concerne surtout le système fiscal qui est déterminant. Nos techniciens doivent sortir de temps en temps du pays, pour apprendre la clef du succès des autres pays à l’exemple du Rwanda, de l’Ethiopie, etc.. Si le secteur informel est réduit, il n’est pas difficile d’atteindre un taux de pression fiscale de 20 à 25%.

M.M : Plusieurs programmes ont été déjà menés, notamment pour le développement agricole. Pourquoi n’avons-nous pas de résultats palpables ?

M.A : Il faut reconnaître qu’il n’y a jamais eu de bonne gouvernance, ni de transparence à Madagascar. Actuellement, nous essayons, avec mon équipe de promouvoir ces principes au niveau des CTD (Collectivités territoriales décentralisées), des différents Districts de la région Analamanga. La discipline budgétaire et financière est indispensable pour de bons résultats dans le processus de développement. Pour les fonds d’appuis, il faut un organisme spécial, qui pourrait être du secteur privé, pour les gérer. Les représentants de ce secteur sont plus motivés à atteindre des résultats satisfaisants. Mais l’Etat doit toujours avoir un certain contrôle. Une telle structure pourrait permettre d’allouer les fonds dans une optique de gestion en bon père de famille.

 

Antsa R.


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