
Le dialogue public-privé qui a eu lieu dernièrement entre le ministère de l’Industrie et le secteur privé est un pas important vers la mise en place d’une sécurité maritime fiable via le code ISPS
Parfois, il faut revenir à l’essentiel. Par exemple le port de Tomasina, véritable poumon économique de Madagascar, qui concentre à lui seul 75% des échanges maritimes du pays. Des échanges qui représentent 90% des échanges commerciaux de la Grande Ile avec le reste du monde. Autant dire que le port de Tomasina est d’une importance capitale pour l’économie malgache.
Collaboration intelligente. Comme chacun le sait, ce port a été modernisé en profondeur ces dernières années, au niveau de la manutention, du stockage, du système d’exploitation. Grace à une collaboration intelligente entre les pouvoirs publics et les groupes privés, le port de Tomasina peut afficher sa fierté d’être devenu l’un des 5 ports africains les plus productifs. D’une façon plus générale, c’est plus de 2000 navires qui circulent dans les eaux territoriales malgaches… par jour ! C’est évidemment un atout considérable pour le développement économique de Madagascar, comme l’a souligné le Président Hery Rajaonarimampianina lui-même lors de la conférence sur l’Océan Indien au Carlton le 23 février dernier. Et s’il faut souligner que la grande majorité de ces flux est enregistrée au niveau de l’Océan Indien, qu’en est-il réellement du suivi réel de ces navires au niveau des autorités malgaches ? Surtout bien sûr concernant ceux qui viennent mouiller dans nos ports.
L’unification des systèmes de contrôles maritimes entre les pays. La Chartes de Lomé, le Code de conduite de Djibouti, les ateliers de travaux à Abidjan, les recommandations des principaux acteurs économiques, les phases de test de sécurité associant de nombreux pays… la coopération en termes de sécurité maritime se renforce mois après mois autour d’une vision commune : le développement des échanges, préservation de la biodiversité et la sécurité. Chacun de ces trois aspects étant liés l’un à l’autre. Sans sécurité par exemple, le développement des échanges, et donc la croissance économique d’un pays, ne peut se faire en toute maitrise et en toute indépendance. Cette question a d’ailleurs été au cœur de l’atelier de travail de l’intégration stratégique pour la sécurité maritime durant le mois de février. Très concrètement, cet atelier, organisé par le CESA, qui concernait tous les pays africains et Madagascar, sous l’égide des Etats-Unis, mettait sur la table des questions essentielles pour tout gouvernement voulant garder le contrôle de ses côtes : « Quel a été l’impact de l’évolution des menaces maritimes sur votre force maritime nationale ? », ou bien « Quelles sont les menaces maritimes les plus graves pour votre pays ? », ou encore « Quel cadre sera le plus efficace pour permettre à votre pays de faire face aux défis de création de capacités maritimes nationales afin de lutter contre les menaces maritimes ? ».
Et c’est cette dernière question qui porte matière à réflexion, tant la menace maritime est aussi diverse qu’en forte progression. Selon l’APSA (l’architecture de paix et de sécurité africaine), un bon nombre de pays ne sont pas encore en mesure de se sécuriser face à la piraterie, le terrorisme et le trafic. Car même lorsque les armées font un bon travail de surveillance et de défense, beaucoup de menaces passent encore entre les mailles du filet. L’immense travail de coopération en termes de sécurité maritime qui se développe dans chaque région du monde, à commencer par l’Océan Indien, devra servir justement à prêter main forte à la surveillance militaire. Notamment au niveau des systèmes de contrôle et des outils juridiques. Et pour que cette coopération soit efficace, il faut que chaque pays parle la même langue sécuritaire et utilise les mêmes outils.
Le cas du code ISPS. Le cas de la mise en place du code ISPS est intéressant. D’abord parce que ce code international, initié par les américains, permet à la fois de mieux coopérer avec les principaux pays de la planète, en sécurisant les échanges maritimes. Mais il permet aussi au pays qui a investi dans la mise en place de ce code ISPS de lui assurer une meilleure souveraineté et une plus grande indépendance au niveau mondial. Nous l’avons vu lors de la mise en place de ce code en Côte d’Ivoire, au Mozambique, en Tanzanie. A chaque fois, le gouvernement du pays concerné a repris en main la sécurité maritime, donnant ainsi une réelle crédibilité à son économie. Le code ISPS, c’est tout simplement une norme internationale de contrôle des ports et des navires, pour toute marchandise qui entre et qui sort dans un pays. Avec la possibilité donc d’avoir une meilleure maitrise dans la lutte contre les trafics, la concurrence déloyale, la piraterie et le terrorisme. Pour qu’un pays soit conforme à la norme ISPS, il faut tout d’abord qu’il s’engage pour cela. Mais aussi et surtout, qu’il investisse dans du matériel, de l’équipement et de la formation. Plus de 100 millions d’euros d’investissement sont par exemple nécessaires à l’Etat malgache pour se conformer à la norme ISPS et ainsi répondre aux recommandations de ses partenaires. Créant au passage de nombreux emplois.
Le cas de Madagascar. A Madagascar, le système BSC (bordereau de suivi des cargaisons) géré par la douane fonctionne bien. Son objectif est de dédouaner toute marchandise arrivant dans le pays, permettant ainsi une maitrise sur les factures et l’aspect fiscal des échanges commerciaux internationaux. Seulement, pour assurer entièrement l’aspect sécuritaire, il faudrait y ajouter une déclaration préalable sur l’ensemble de ce que peut contenir un navire, personnel inclus. C’est le rôle du code ISPS. Le code ISPS permet donc de supprimer les risques au niveau de la marchandise, mais aussi au niveau des navires qui seront parfaitement identifiés avant leur arrivée même. Et enfin la norme ISPS permettra aux ports malgaches eux-mêmes d’être mieux côtés au niveau international. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, comme le souligne régulièrement les instances internationales, notamment américaines. Car seul le port de Toamasina a bénéficié d’une dérogation afin de ne pas trop le pénaliser au vu de son importance dans l’économie malgache. Mais une dérogation n’est pas une mise aux normes…
Souveraineté nationale. Est-ce qu’une simple dérogation est en effet suffisante pour qu’un pays puisse s’affirmer à l’international sur le long terme ? Et c’est là toute l’importance de l’ISPS. Cette norme peut servir à asseoir la souveraineté nationale malgache aux yeux de ses partenaires. L’investissement est certes lourd, mais le financement doit faire l’objet d’une concertation entre les différents acteurs malgaches. Une réunion public/privés, sous l’égide du Ministère de l’Industrie et du développement du Secteur privé, a d’ailleurs déjà eu lieu dans ce but. Un dialogue nécessaire, pour aller de l’avant dans un dossier dans lequel tout le monde a à gagner. A commencer par Madagascar lui-même, qui deviendra maître de sa stratégie maritime. Pour ne plus être un pays éloigné de tout, mais le pays au centre du monde.
Antsa R.