
En tant que président national du FIVMPAMA (Fivondronan’ny Mpandraharaha Malagasy), qui plus est le PDG de la société Guanomad, Erick Rajaonary nous livre ses points de vue dans le cadre d’une interview concernant le patriotisme économique. Il a bien martelé qui ne s’agit pas d’une xénophobie. Interview.
Midi Madagasikara : On vous connaît comme étant le fervent défenseur du patriotisme économique. Vous vous référez à quoi exactement ?
Erick Rajaonary : L’expression patriotisme économique désigne un comportement visant à favoriser les entreprises nationales et leurs produits. Cela signifie la promotion du label Vita Malagasy, priorisation de la production et commercialisation des produits et services « vita malagasy ». Il est vrai que mon discours à ce propos, est d’inviter les Malgaches à consommer les produits malgaches mais le patriotisme économique suppose aussi de rendre les entreprises malgaches compétitives pour qu’elles puissent entrer en concurrence avec les autres. Le patriotisme économique induit la mobilisation des entreprises, de l’Etat, des collectivités territoriales décentralisées et des consommateurs.
M.M : Cette priorisation suppose-t-elle une mise à l’écart des étrangers ?
E.R : Cela ne signifie pas le nationalisme économique puisque vous avez des entreprises étrangères locales qui promeuvent des produits locaux et utilisent notre main d’œuvre locale. L’objectif de cette démarche, qui s’inscrit dans le contexte d’une politique d’intelligence économique, est de stimuler l’économie nationale. Il peut s’agir de promouvoir la qualité d’un savoir-faire ou de dynamiser la recherche. Cependant, le patriotisme économique intègre également un volet défensif qui lui vaut parfois d’être qualifié de protectionnisme. L’autre offensif, désignant la capacité à mettre en place des manœuvres d’accompagnement des secteurs identifiés comme prioritaires et porteurs. C’est le cas des entreprises agro-alimentaires qui représentent aujourd’hui moins de 15% du PIB. Il n’y a plus que 500 entreprises manufacturières actives à Madagascar contre 1 200 à la fin des années 80. Les PME malgaches doivent également faire l’objet d’une attention particulière, car elles représentent plus 90 % du secteur industriel.
M.M : Ce patriotisme économique, comment voyez-vous sa mise en œuvre ?
E.R : L’ouverture de nos frontières ne peut être bénéfique que dès lors nous avons une industrie forte et compétitive. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La concurrence oui, mais à armes égales.
Créer un environnement favorable pour le développement des entreprises locales afin de les rendre compétitives sur le marché local et par la suite sur le marché international. Par ailleurs, le patriotisme économique passe par la dynamisation de la compétitivité des entreprises. Ce n’est pas la peine d’appeler à consommer le « Vita Malagasy » si les produits malgaches ne sont pas disponibles et ne répondent pas aux normes de qualité requises. Nous avons besoin d’assurer que les bases, les piliers de la compétitivité soient assurés notamment les infrastructures, l’accès aux financements pour les entreprises locales, les taux de change qui restent instables et imprévisibles, la stabilité de l’environnement fiscal et social etc. La réduction de l’informel et la lutte contre la délinquance économique sont également des facteurs-clés pour assurer la compétitivité de nos entreprises. Aussi le principe de préférence nationale en matière de marché public devrait être adopté pour la relance économique.
M.M : A vous entendre, le patriotisme économique, c’est aussi une rupture, une dynamique de changement ?
E.R : Tout à fait. Il faut qu’on arrive à un patriotisme économique qui puisse rassembler tous les acteurs économiques opérant à Madagascar, les consommateurs, les pouvoirs publics et les collectivités locales. Une politique industrielle qui met en valeur les produits et services « Vita Malagasy » permettra aux entreprises malgaches d’émerger. Le patriotisme économique doit avoir une dimension nationale et doit profiter ainsi aux 22 régions de Madagascar. Il y a un effort considérable à fournir auprès de la population locale afin de la sensibiliser sur le fait que le « Vita gasy » n’est pas synonyme de « mauvaise qualité » ou « bas de gamme » et ainsi inciter les citoyens à consommer les produits et services locaux. Cela implique également que les opérateurs se professionnalisent et améliorent les qualités de leurs produits et de services.
Recueillis par Navalona R.