
Plusieurs défis attendent Madagascar dans son Programme économique appuyé par la FEC (Facilité Elargie de Crédit) du FMI (Fonds Monétaire International), selon le représentant résident du FMI, Patrick Imam. Interview.
Midi Madagasikara (MM). Comment a évolué la performance de Madagascar dans la mise en œuvre de son Programme économique, si l’on se réfère aux trois revues de la FEC ?
Patrick Imam (FMI). A ce jour, la mise en œuvre du programme de réformes soutenu par la FEC est sur la bonne voie. Le pays continue d’afficher des résultats positifs depuis trois ans et ce, en dépit des différents défis auxquels il a dû faire face récemment. Les performances sur le plan économique continuent d’être solides avec un taux de croissance en continuelle hausse, que nous estimons à 5% pour cette année. Le taux d’inflation, qui était toujours resté en-deçà de deux chiffres malgré différentes pressions sur la hausse des prix, devrait reculer progressivement et s’établir sous la barre des 8% pour la fin de l’année. Grâce à une bonne mise en œuvre des politiques économiques, la situation macroéconomique est restée stable jusqu’à présent. De nombreux progrès sont aussi enregistrés au niveau de plusieurs domaines si on ne cite que l’accroissement continu des recettes fiscales collectées ou bien l’amélioration de la qualité et de l’efficience des dépenses publiques grâce à l’apurement des arriérés de l’Etat ainsi que l’élimination des subventions improductives telles que les subventions sur le prix du carburant ou bien l’augmentation progressive des budgets alloués aux secteurs infrastructurels et sociaux.
- Peut-on espérer une annonce de décaissement dans un futur proche ? Quels sont les efforts à mener et les enjeux actuels ?
FMI. Si notre Conseil d’administration donne son approbation sur les conclusions de la revue qui vient d’être réalisée, alors le prochain décaissement peut être espéré vers la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet. Toutefois, cela reste conditionné par la conclusion de la revue qui, elle-même, est dépendante des discussions qui vont encore se poursuivre à Washington, lors des réunions de Printemps vers la mi-avril. A ce jour, les discussions ont très bien avancé et les écarts de position se sont réduits significativement. Les concertations à Washington vont se porter sur les mesures que les autorités comptent prendre pour adresser les besoins de transferts additionnels de la Jirama ainsi que limiter ses pertes opérationnelles, régler les engagements que les autorités ont accumulé vis-à-vis des distributeurs pétroliers du fait du non ajustement des prix à la pompe au cours des deux premiers mois de l’année et enfin pour prendre en compte les besoins additionnels de transferts pour le salaire et la caisse de retraite.
- Madagascar a encore été frappé par des catastrophes naturelles. Qu’est-ce que cela implique pour le FMI ? Des financements additionnels pourraient-ils être accordés ?
FMI. C’est vrai que Madagascar a été durement touché par deux cyclones en début d’année et que ces derniers ont créé des dommages économiques importants dans les régions qui ont été touchées. Toutefois, du point de vue macroéconomique, il semblerait que les effets au niveau de l’ensemble du pays n’étaient pas assez critiques pour avoir impacté, par exemple, les besoins de financement au niveau de la balance de paiements. Ainsi, contrairement à l’année dernière, cela n’a pas eu d’implications dans le financement accordé par le Fonds au pays, puisque qu’il n’y avait pas eu de demande de financements additionnels de la part des autorités. Les ressources existantes ont également permis au pays également de faire face aux impacts des cyclones de par ses propres moyens.
- La période électorale est prévue pour cette année. Quels seraient les impacts éventuels sur la FEC ?
FMI. Si on se réfère à l’histoire récente de Madagascar, le programme est exposé à deux grands risques en cette période électorale à mon avis. D’abord, le risque de ralentissement dans la mise en œuvre des réformes prévues et dans l’exécution des dépenses publiques qui est susceptible de se matérialiser notamment pendant les périodes pré-électorales ou bien pendant la période transitoire jusqu’à ce que les nouvelles instances dirigeantes du pays soient complètement opérationnelles. Mais, il y a également le risque de suspension momentanée de la mise en œuvre des réformes, notamment si les élections ne se déroulent pas aussi bien que prévu. Ce qui aurait pour effet de retarder le décaissement au titre du FEC en lui-même, mais aussi et surtout de retarder les décaissements prévus de certains partenaires techniques et financiers et d’autres investisseurs qui assoient éventuellement leurs décisions sur le bon déroulement de la FEC.
- Depuis quelques mois maintenant, le problème de congestion des trafics au niveau du port de Tamatave revient régulièrement dans les sujets de discussion économique, est-ce que cela constitue une menace importante sur les activités et la croissance économique ?
FMI. Effectivement, la congestion au niveau du port de Toamasina constitue un sujet de préoccupation grandissant sur lequel les autorités se penchent. Si ce problème persiste, à terme il pourrait devenir un goulot d’étranglement et affecter la croissance économique du pays. D’ailleurs il affecte déjà certains secteurs de l’économie, telles que les zones franches, en ralentissant notamment leurs approvisionnements en matières premières mais aussi leurs possibilités d’exportation. Cela entraîne également des augmentations au niveau des coûts encourus par les opérateurs, puisque soit le déchargement des marchandises par les bateaux prennent plus de temps que prévus, soit les bateaux repartent et déchargent les marchandises dans d’autres ports plus éloignés. Du fait de la congestion également, les opérations douanières afférentes aux opérations de commerce international en pâtissent également. Le ralentissement des importations affectera aussi le niveau de performance en matière de collecte de recettes qui à son tour risque d’impacter négativement la mise en œuvre du budget, notamment les dépenses publiques, faute de ressources insuffisantes. C’est extrêmement important et urgent pour les autorités de trouver des solutions à ce problème. A court terme, des solutions d’urgence, comme stocker les containers à l’extérieur du port, pourraient être envisagées afin de désengorger le port. Quant à long terme, les autorités travaillent déjà sur l’extension du port avec l’appui financier du Gouvernement japonais. Comme le pays est déjà dans une bonne dynamique économique, ses infrastructures modernisées devraient permettre de soutenir une croissance vertueuse.
Recueillis par Antsa R.