
Plusieurs conditions comme la sécurité publique, la santé, un bon système financier, etc. sont indispensables, avant d’espérer un décollage économique, selon Rado Ratobisaona, PCA du CREM (Cercle de réflexion des économistes de Madagascar). Interview.
Midi Madagasikara (MM). Les économistes sortent de l’ombre depuis quelque temps. Quelles en sont les raisons ?
CREM. Cela fait 57 ans que les Malgaches ont entendu les mêmes discours à propos de la situation économique àMadagascar. Toutes les qualifications d’espoir ont été prêchées par les régimes successifs quelque soit les stratégies de développement retenues.
Les économistes ont déjà apporté leurs contributions dans ces processus, mais les impacts de ces conseils et expertises n’étaient pas non plus satisfaisants. La dernière décennie a été marquée par les interventions et interpellations du CREM. Le Cercle veut apporter plus de précisions et de rigueur concernant la liaison entre l’économie et le politique. Des centaines de conférences sur la conjoncture économique ont été déjà réalisées pour influencer indirectement les décisions politiques, en termes de politique publique nationale en général, ainsi que les stratégies d’insertion internationale. Pourtant, le pays, en 2018 recule toujours dans le classement mondial sur tous les indicateurs de performance économique. Le plus flagrant concerne la pauvreté.
C’est la raison pour laquelle les économistes, regroupés au sein CREM, lancent un appel à leurs homologues, pour la solidarité ; et par la suite, trouver ensemble les priorités sur les stratégies pouvant aider à surmonter cette situation de statu quo de sous-développement chronique. Pour les économistes, se faire entendre et convaincre les citoyens sur la situation économique actuelle, constituent une nécessité. À travers les événements organisés et les supports de communication pour mettre à disposition les expertises du CREM, nous espérons des impacts sur l’amélioration de l’élaboration des différents projets de société des partis politiques, qui ont vraiment une ambition de faire sortir Madagascar et son peuple de la pauvreté et du marasme économique.
- Quels sont les objectifs du CREM dans l’organisation du forum économique national qui s’est tenu au Carlton et quelle est donc la suite ?
CREM. Le forum économique national ne s’écarte pas de l’objectif du CREM. Il contribue énormément à la réalisation des défis, dans une démarche inclusive pour faire participer tous les acteurs économiques du pays dans le choix et élaboration de la stratégie de développement spécifique pour Madagascar. Le forum a surtout mis en exergue, dans un premier temps, les conditions préalables au décollage économique, qui sont malheureusement mal compris par le public.
Pour les économistes, parler des conditions de décollage sous-entend que des préalables ont été déjà satisfaits. Pourtant Madagascar reste encore coincé dans la réalisation de ces préalables, surtout en ce qui concerne les facteurs non économiques tels que la sécurité, la santé publique, l’énergie, le système financier, la qualification du capital humain, le cadre juridico institutionnel favorisant l’application de la loi sur la concurrence et la propriété privée et intellectuelle, la politique de la transition de l’économie agricole vers une économie industrielle, la stabilité politique, etc. Ces conditions pré-requises sont indispensables pour améliorer les indicateurs de performance comme la croissance économique, l’inflation, le taux de chômage, l’équilibre extérieur, l’ouverture à l’internationale, ou le taux de change.
De ce fait, le forum vise à ce que toute la classe politique ait conscience de l’étendue du chantier pour développer Madagascar. Ainsi, le débat politique à Madagascar ne devrait plus se limiter au « SEZA », si les politiciens malgaches prétendent être de vrais patriotes.
- Plusieurs stratégies de développement sont présentées ici et là, mais le pays reste dans la pauvreté. Comment les économistes du CREM analysent cette situation ?
CREM. C’est le constat actuel, tout le monde n’est pas responsable de ce qui s’est passé depuis l’indépendance, que ce soit au niveau des gouvernants ou des gouvernés. Ce que nous constatons c’est que les Malgaches se trouvent dans leurs petits coins pour essayer de s’en sortir tout seul, en exploitant les efforts des autres et les ressources encore disponibles.
Nous constatons dans ce sens une perte de repère, en termes de valeurs commune et de fierté nationale. C’est en donnant de l’espoir surtout pour les jeunes. Nous essayons de collecter au maximum les aspirations du peuple concernant les activités économiques prioritaires, afin de pouvoir les harmoniser avec les notions académiques, pour concevoir et mener ensemble une politique économique inclusive et compréhensible par tous. Cette politique devra ensuite faire l’objet de négociations auprès des partenaires de développement, dans l’optique de l’intérêt général. C’est dans ce sens que le CREM va poursuivre l’organisation des conférences régionales. Le prochain se tiendra ce samedi à Fianarantsoa. Les autres régions suivront. Nous profiterons de l’occasion pour officialiser l’existence du CREM dans les 22 régions de la Grande Ile.
Recueillis par Antsa R.