
N’arrivant pas à briser le cercle vicieux de la pauvreté, Madagascar a été toujours connu comme un pays riche avec une population pauvre. L’économiste Dr Rakoto David Olivaniaina nous explique comment transformer la jeunesse en facteur dynamique du développement. Interview.
Midi Madagasikara (MM). Outre nos ressources naturelles, Madagascar dispose d’une population jeune qui lui confère des avantages économiques. Mais comment pourrait-on profiter de cet avantage ?
Dr Rakoto David. La transformation de la jeunesse en facteur dynamique de développement repose en grande partie sur la responsabilité de l’État basée sur une volonté politique, et un leadership gouvernemental. Celle-ci devrait être en faveur de l’éducation pour tous (éducation de masse), de l’instauration d’un système de protection sociale fiable et pérenne pour que chaque Malgache puisse avoir une vie digne, et de l’introduction d’une vision partagée sur la politique d’enseignement en vue d’un partenariat durable et productif entre secteur privé et public. L’État joue ainsi le rôle de « développementiste » capable de dynamiser, soutenir activement et promouvoir le développement économique et social.
- Que voulez-vous dire par « développementiste » ?
Dr Rakoto David. L’État développementiste est par définition « un État qui place le développement économique comme la première priorité de la politique du gouvernement, et qui est capable de concevoir des instruments efficaces pour favoriser la réalisation d’un tel objectif. Il s’agit, entre autres, de la mise en place de nouvelles institutions formelles, de l’établissement de dialogues permanents entre l’État et le secteur privé… » Dans ce cas, l’État devra investir dans la technologie, l’innovation et le développement humain, et doit posséder une idéologie développementiste qui privilégie le développement de la capacité humaine, l’industrialisation et la croissance économique. Les résultats attendus sont une bonne performance économique et la transformation sociale.
- Quelles sont les conditions à remplir pour que l’Etat arrive à ce stade ?
Dr Rakoto David. En général, un État développementiste dispose des caractéristiques principales suivantes : il doit avoir une administration compétente, surtout en matière d’éducation, et définir une vision développementiste claire munie d’un plan et de stratégie pour la matérialiser ; il mettra en place une coalition d’élites, surtout jeunes et ayant un fort sentiment nationaliste pour transformer les structures de l’économie, s’industrialiser, promouvoir l’accumulation de capital et mettre en place la capacité humaine. En outre, l’autonomie de l’État s’impose dans l’élaboration des politiques indépendantes des forces sociales en compétition, comme le secteur privé et la société civile. A cet effet, l’État doit disposer de moyens puissants pour formuler et mettre en œuvre ces politiques, sans être l’otage de groupe de particuliers, puisque l’intérêt général du pays prime.
Le professionnalisme, la discipline et les qualifications techniques constituent alors des éléments fondamentaux des objectifs à atteindre. Ainsi, le système éducatif développé par un État développementiste doit soutenir l’émergence d’une classe d’entrepreneurs, ou capitalistes nationaux, qui faciliteront l’industrialisation et la croissance économique. Il s’agit notamment d’une bourgeoisie nationale.
La détermination à développer la capacité humaine constitue également une autre caractéristique principale d’un État développementiste. Celui-ci investit notamment dans les programmes sociaux, comme l’éducation de qualité, les services de soins de santé, et les infrastructures économiques et sociales. Dans la plupart des modèles économiques de l’Asie de l’Est, les politiques sociales ont été un élément important dans l’arsenal des États développementistes. Ces politiques s’articulent autour des entités non étatiques telles que les familles et les entreprises, et l’État garantit la mise en œuvre des programmes de promotion sociale.
Recueillis par Antsa R.