
Ces derniers temps, l’actualité du secteur économique et commercial de la Grande Ile s’est illustrée par des actions douanières plus poussées et parfois innovantes dans le cadre de la lutte contre la fraude. Cette politique s’inscrit dans la stratégie de la douane qui a été axée cette année sur l’éradication des fraudes qui gangrènent l’économie malgache.
Rakotonindrina Frédéric, Directeur des Affaires Juridiques et de la Lutte contre la Fraude (DAJLF) au niveau de la Direction Générale des Douanes donne des éclaircissements sur cette politique et ces mesures. Interview.
Q : Quelles sont les récentes mesures prises par la douane en matière de lutte contre la fraude que vous avez intégrée dans votre stratégie pour 2015 ?
R : Les opérateurs malgaches rencontrent actuellement de nombreux problèmes pour pouvoir exercer sereinement leurs activités. La concurrence déloyale provoquée par les pratiques frauduleuses visant à éviter le paiement des droits et taxes douaniers, figure parmi les origines de ces problèmes. D’un autre côté, l’Etat malgache a plus que jamais besoin de sécuriser ses rentrées d’argent. Ce sont des raisons parmi tant d’autres qui ont poussé l’administration des douanes malagasy à mettre l’accent sur la lutte contre la fraude et l’année 2015 a été consacrée à cet effort. Parmi les mesures que nous avons prises, je peux citer le contrôle de certains régimes douaniers comme le transit, le renforcement des contrôles que ce soit immédiatement au niveau des frontières ou après le dédouanement des marchandises.
Q : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce renforcement de contrôle.
R : Le contrôle aux frontières est effectué au niveau de chaque bureau des douanes et suivant des procédures déjà bien établies. Notre direction se charge beaucoup plus du contrôle après dédouanement. Cela peut prendre plusieurs aspects : le contrôle différé d’abord, qui se base sur une consultation plus poussée du système pour détecter les éventuelles anomalies qui n’auraient pas été détectées lors du contrôle aux frontières. Le contrôle différé se base sur les documents présentés à la douane lors du dédouanement. Certaines infractions peuvent déjà être détectées et constatées à ce niveau. En cas de doute important après analyse de toutes les transactions, un contrôle en entreprise sera effectué et consistera à auditer la société en question : sa comptabilité, son système, ses ventes, ses transactions bancaires, bref toutes les données qui pourront servir à confirmer ou à infirmer le doute du service.
Q : Quel est le mode de sélection que vous adoptez pour choisir les sociétés qui feront l’objet de ces contrôles plus poussés ?
R : Le contrôle en entreprise est une mission qui nécessite beaucoup de moyens humains, financiers mais aussi beaucoup de temps. Les critères de sélection de ces entreprises ne peuvent donc pas être pris à la légère parce que ces opérations sont appelées à produire des résultats. Dans un premier temps, toutes les déclarations en douane feront donc l’objet de contrôle différé après dédouanement au niveau du Service de la Lutte contre la Fraude. Ce contrôle se justifie par le fait que les bureaux de douane aux frontières ne disposent pas d’assez de temps et d’informations pour détecter toutes les fraudes. Ensuite, sur la base de certains critères de conformité des documents présentés et sur les risques que présentent certaines transactions, nous procédons à la sélection. Cela nous amène à utiliser un outil primordial qui est la gestion des risques. On peut choisir les secteurs les plus vulnérables en termes d’exposition aux risques de fraude, d’autres secteurs qui garantissent l’équilibre de l’économie nationale et ainsi de suite. Il va sans dire que nous ne pouvons pas agir auprès de toutes les entreprises que nous aurions ciblées. Mais nous avançons méthodiquement et veillons surtout à ne pas prendre des mesures trop hâtives qui pourraient remettre en cause la fiabilité de notre action.
Q : Comment les opérateurs perçoivent-ils ces actions de contrôle après dédouanement ?
Il est tout à fait compréhensible que les opérateurs se trouvent un peu désappointés par rapport à ces actions qui interviennent alors qu’ils ont satisfait à toutes les procédures de dédouanement, que la marchandise est en leur possession et même parfois déjà vendue. Mais d’abord, notre législation prévoit le contrôle a posteriori et les recommandations de nos partenaires internationaux nous poussent à donner plus d’envergure et d’importance à cette mesure qui est sensée lutter efficacement contre certains types de fraudes (notamment celles portant sur la valeur) mais aussi à faciliter le commerce. Ensuite, ce type de contrôle ne présente pas que des inconvénients pour les opérateurs : à moyen et long termes, les procédures aux frontières en seront beaucoup plus simplifiées et plus rapides puisqu’on maîtrisera mieux le contrôle aux frontières grâce aux actions holistiques de la Douane, depuis le fournisseur étranger jusqu’aux locaux de l’entreprise importatrice. En cas de contrôle satisfaisant, les sociétés concernées pourraient aussi bénéficier des facilités octroyées par la douane notamment l’accès aux procédures accélérées de dédouanement. Et enfin, le tout vise à lutter contre la concurrence déloyale, ce qui ne peut que servir les sociétés régulières.
Mais pour rassurer encore plus les opérateurs, je voudrai souligner les mesures que nous prenons pour éviter toute forme de harcèlement auprès des sociétés ou d’abus venant de nos agents. Il s’agit entre autres de la mise en place d’une Charte des contrôles douaniers qui sera incessamment présentée au grand public délimitant la marge d’action de l’administration, les méthodes utilisées et la collaboration qui est attendue de la part des opérateurs. Car les bonnes relations et le maximum de dialogue avec le secteur privé sont les conditions indispensables à la réussite de toute cette politique. L’objectif, pour la douane, n’étant pas d’imposer une dictature mais d’aider à instaurer un climat des affaires le plus propice possible au commerce et à l’investissement.
Recueillis par R.Edmond.
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