Suite de l’interview de Rakotonindrina Frédéric, Directeur des Affaires Juridiques et de la Lutte contre la Fraude (DAJLF) au niveau de la Direction Générale des Douanes.
Q : Justement, que faites-vous pour sécuriser ces contrôles en entreprise c’est-à-dire en termes de confidentialité des documents, de respect de l’image des sociétés etc ?
R : D’abord, le contrôle en entreprise n’est pas un travail d’espionnage ou un piège tendu aux opérateurs. Plus les opérateurs coopèrent, plus la mission s’avère moins lourde aussi bien pour eux-mêmes que pour les agents de la douane. Le contrôle peut consister en une descente physique dans les locaux de la société. Il sera alors demandé aux responsables de nous communiquer tous les documents qui touchent de près ou de loin à leurs activités commerciales. Ensuite, des corrélations seront faites entre les documents qui auront servi à l’importation, les factures de vente et en cas d’achats locaux, les factures de ces achats. Bref, toutes les transactions des sociétés devront être traçables et les marchandises en stock comme en vente devront correspondre à ces documents. Mais le contrôle peut aussi se résumer à une demande de communication de documents sans aller plus loin. On peut aller par contre plus loin en procédant à la perquisition de la société ou en demandant une assistance mutuelle administrative internationale auprès des douanes étrangères. Dans tous les cas, les agents de douane sont tenus au secret professionnel, et c’est d’ailleurs ce que nous appliquons pour les documents qui nous sont présentés lors du dédouanement. Et ce sont des agents assermentés qui doivent répondre devant la loi en cas de manquement à leurs engagements. De surcroît, ces sociétés sont nos partenaires, ce sont elles qui garantissent les rentrées fiscales de l’Etat. Il ne s’agira donc en aucun cas de leur porter préjudice mais seulement d’appliquer la loi pour que tout le monde soit traité sur le même pied d’égalité.
Q : Quelles sont les sanctions prévues en cas de fraude constatée ?
R : Le Code des douanes prévoit de nombreuses catégories d’infractions. Sur les faits aussi, on peut constater qu’une fraude peut survenir d’une simple négligence ou de pratiques qu’on pourrait qualifier de mafieuses. Les sanctions vont donc dépendre de la nature de la fraude et de sa qualification prévue par le Code. Il s’agit principalement des amendes qui seront déterminées en fonction des droits compromis (droits qui auraient dû être acquittés). Mais les peines d’emprisonnement sont également prévues et même, dès constatation de l’infraction, le Code des douanes prévoit certaines mesures conservatoires qui garantissent le paiement de ces droits et amendes : avis à tiers détenteurs, vente avant jugement des marchandises saisies, saisie conservatoire, hypothèque. D’autres actions en garantie pour le recouvrement des taxes peuvent aussi être prises comme le blocage des opérations ou la fermeture d’établissement. Ces mesures n’ont été que rarement appliquées par la douane, mais s’avèrent aujourd’hui nécessaires pour la mise en œuvre de la nouvelle politique de contrôle a posteriori. Parallèlement à ces sanctions, la douane peut prendre des mesures d’accompagnement pour aider les sociétés à se remettre dans une situation régulière.
Q : Votre dernière action en date ?
R : Les actions sont particulièrement nombreuses ces derniers temps mais je pourrai vous citer le cas de l’affaire des 285 conteneurs de farine et de sucre déclarés frauduleusement riz et que tous les journaux ont récemment médiatisés. En effet, parmi ces 285 conteneurs, seulement 10 ont pu encore être saisis réellement au port alors que les 275 conteneurs autres ont été déjà enlevés, et ce entre les mois d’avril et août 2015. C’est pour ce dernier cas que nous devons agir dans le cadre d’un contrôle a posteriori. Si pour les 10 conteneurs, le dossier est déjà entre les mains de la justice, pour les 275 conteneurs, l’enquête et l’investigation continuent encore. Et on use de toutes les dispositions légales et réglementaires dont je viens de parler ci-dessus pour pouvoir sanctionner les contrevenants.
Q : Quelles sont donc à votre avis les chances de réussite de cette nouvelle stratégie ?
R : La réussite d’une telle politique ne dépend pas uniquement de la douane. Bien que nous mettions en œuvre tous les instruments légaux à notre disposition et que nous mobilisons un maximum de moyens, le succès de cette approche dépendra de plusieurs autres facteurs. En premier lieu, l’insertion du maximum d’entreprises dans le cadre formel, comme il est prévu dans la politique du Ministère des Finances et du Budget, en est la première garantie. Cette étape est une condition de la réussite des mesures de contrôle a posteriori et les efforts entrepris dans ce sens ne peuvent que nous encourager. Ensuite, la collaboration étroite que la douane essaie d’entretenir avec les autres entités publiques et privées et qui s’est matérialisée par la tenue de plusieurs rencontres, est une démarche obligatoire. Sous cet axe, il y avait déjà la Journée Internationale des douanes en janvier 2015 placée sous le thème de la Gestion Coordonnée des Frontières (GCF), l’atelier organisé conjointement avec le Ministère de la Justice en juin 2015 sur le thème du contentieux douanier répressif, l’atelier sur la GCF organisé conjointement avec l’OMD en août 2015 et le séminaire sur l’intégration des missions douanières et fiscales organisé par le FMI à l’Ile Maurice en septembre 2015. Et enfin et non les moindres, l’engagement et l’adhésion du secteur privé tout comme la volonté politique forte et décisive sont bien sûr incontournables si nous voulons obtenir des résultats.
Q : Et quid des résultats alors?
R : Je pense que les chiffres parlent d’eux-mêmes. Si de janvier à octobre 2014, la Douane n’a pu constater que 12.516.842.791 Ar des droits compromis et/ou éludés, cette année et sur la même période on a réalisé 16.936.113.374 d’ariary de constatation sur lesquels la Direction des Affaires Juridiques et de la Lutte contre la Fraude a contribué significativement. Nous nous fixons l’objectif de 20 milliards d’ariary d’ici la fin de l’année 2015.
Propos recueillis par R.Edmond.
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